Éléments
d’archives sur Port-Louis de l’Isle de France vers 1770 ============================================= Le Port-Louis vu par Bernardin de Saint-Pierre en 1768 (*)
*
(L'ouvrage de référence sur ce sujet est celui d'Auguste Toussaint : Port-Louis Deux siècles d'histoire)
Le Port-Louis,
également
dénommé au 18e
siècle Port du Nord-Ouest, est le principal port de
l’Isle de France. Pour de nombreuses raisons, il fut
préféré à un autre port,
situé diamétralement à
l’opposé de
l’île, dénommé à
cette même
époque, Port du
Sud-Est ou Grand Port, ou encore Port Bourbon. Dans les années 1770, le Port-Louis n’était pas seulement un havre pour les bateaux, c’était aussi une ville, la seule de l’île ; mais s’il est aisé de trouver des cartes qui figurent la rade, outils de navigation indispensables pour aborder au port en se gardant des récifs et autres bas-fonds, en revanche, en parcourant les ouvrages consacrés à l’île Maurice, il nous a semblé qu’il n’existait que très peu de représentations iconographiques de la ville. On trouve généralement la vue du Port Napoléon empruntée à l’atlas joint à la publication du Voyage pittoresque à l’île de France de Milbert, carte datée de 1812(*). Cette carte est bien détaillée et légendée, mais pour illustrer l’époque où Pierre Poivre y résidait, on pouvait souhaiter un document plus contemporain. Nous avons trouvé aux Archives Nationales une carte fort intéressante, puisque datée de 1784, et donc beaucoup plus à même d’illustrer les propos de Poivre lorsque de 1767 à 1772, il avait en charge l’aménagement de la ville du Port Louis, le Camp comme on disait alors. On
pourra comparer les plans de 1812 et 1784 avec un plan plus ancien,
daté de 1759 (**) des Archives Coloniales que nous
empruntons
à l’ouvrage d’Auguste Toussaint . Jean-Daniel Dumas et Pierre Poivre arrivèrent à l’Isle de France en juillet 1767 pour administrer cette colonie au nom du roi de France ; c’est la Compagnie des Indes qui jusqu’alors en avait eu la charge. Parmi les premières mesures à prendre de la part des nouveaux administrateurs, il leur fallait acquérir de la Compagnie les locaux nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, et pour ce faire, il fut procédé, dans le courant de l’année 1767, à un relevé précis des bâtiments. Il en résulta un document intitulé Toisé général des bâtiments civils appartenant ci-devant à la Compagnie des Indes et réservés à Sa Majesté à l’Isle de France. Ce toisé général de 1767, illustré du plan de 1784 sont les deux documents qui justifient principalement cette note. Nous signalons également un État des personnels qui nous apprend qu’à la fin de l’année 1767, les personnels attachés au Port Louis à la charge du roi comprenaient 64 ouvriers blancs et 337 Noirs esclaves qui, avec femmes et enfants, représentaient une population de 606 personnes de couleur. En 1769, le chevalier Desroches succéda à M. Dumas à la tête de la colonie, il sut se concerter avec Poivre, pour établir une ordonnance destinée à améliorer la qualité de la vie au Port-Louis. « Considérant combien il serait utile et agréable aux habitants du Port-Louis de cette île, de réparer promptement la dévastation affreuse de toutes espèces d’arbres qui a été faite dans l’étendue des terrains occupés par les maisons et emplacements ... Tous les entourages des maisons et des terrains ne pourront plus être faits qu’en haies vives ... interdisons expressément les entourages en palissades, planches ou autres bois morts ... Il est ordonné à chaque propriétaire ... de planter sur les alignements et aux distances de leurs entourages, la quantité de onze arbres ... la rue correspondante sera de cinq toises de largeur et plus, et les dits arbres seront plantés à dix-huit pieds de distance les uns des autres ... sans néanmoins que ces distances puissent gêner lesdits propriétaires par rapport aux entrées et portes de leurs maisons ... Enjoignons à chaque propriétaire de garantir les arbres des vents et de la morsure des animaux ... tuteurs ou palissades ... arroser ... tailler ... Chaque arbre sera planté dans un trou de quatre pieds du roi ... Dans toutes les grandes rues, comme celle dite du Champ de Mars, celle du Rampart, de Desforges, des Casernes et autres ayant sept toises de largeur, chaque propriétaire de maison et emplacement sera tenu d’élever un petit trottoir de six pouces de hauteur ... » (Ordonnance n°179 du 17 juin 1769). Le
gouverneur Desroches dresse un tableau bien sombre de la ville et de
ses habitants à son arrivée dans la colonie,
tableau sans aucun
doute outré, façon de se féliciter des
progrès accomplis durant son administration.
« La ville du Port Louis était un cloaque
morale et physique, le libertinage, la débauche, le
débordement y régnaient parmi le peuple, on y
commettait
des crimes à toute heure. On ne peut pas se faire une
idée du désordre affreux qui régnait
dans la ville
du Port Louis. Si néanmoins on considère de
quelle
espèce d’hommes elle était
peuplée,
l’étonnement cessera. D’un
coté tout ce
qu’il y avait de négresses libres y avaient des
maisons,
on sait à quel prix cette liberté
s’acquiert. Les
jeunes cherchaient à s’entretenir dans leur nouvel
état par les mêmes moyens qui le leur avaient
procuré, les vieilles étaient plus dangereuses
encore. Nous complétons cette note par des extraits de correspondances administratives, relatifs au Port-Louis, au premier rang desquels on trouvera le commentaire de Poivre au Toisé général des bâtiments civils, occasion pour l’intendant de quelques reproches au gouverneur Dumas. Enfin,
pour tous les marins qui naviguaient de la France à la Chine
dans les années 1770, il y avait les
irremplaçables Instructions
sur la navigation
de M. d'Après de Mannevillette. Nous en extrayons
tout ce
qu’il faut savoir pour arriver au Port-Louis de
l’Isle de
France. Nul besoin du G.P.S., le navire est guidé
pas
à pas : on y apprend à se repérer
grâce
à l'île Ronde,
comment gouverner entre l’île Longue et le Coin-de-Mire,
comment doubler la pointe des Canonniers
pour enfin mouiller par dix-huit brasses, à moins
qu’un
vent favorable ne permette d’aller jusque dedans le port,
au-delà de l’île aux Tonneliers. (*) : Carte
de 1812 disponible sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5675366q/f10.image.r=milbert.langFR * Plan de
l’Arsenal Nous avons deux photos de ce plan, l’une bien nette, mais mal cadrée, l’autre un peu floue. Plan Port-Louis 1784 « bien cadré » Le plan est accompagné d’une légende et de Nottes : LegendeA Place
d’armes B Boulangerie C Magasins et Bureaux sur la
Place D Batterie du Port et Bureaux E Cave
et Voilerie au dessus F Tonnellerie et Grenier G Logement du Lieutenant du
Port servant de Magasin H Baraques servant
à divers atteliers &c. I Magasin et Grenier K Muraille
projettée pour y placer les atteliers et Greniers
d’abondance L Bassin à chaux
servant pour le Goudron M Hangard de la
Mâture et Grenier N Baraques servant
à la Charonnerie et Tourneur O Magasin en Pierre et
Grenier P Chantier des Bois Q Magasin en charpente et
appentis R Magasin de Garniture et
Grenier S Baraques où sont
les forges la chaudronnerie
&c. T Hopital dont une aile sert
de Magasin et une
non achevée V Poudriere W Pavillon du Port et
Batterie X Hopital des Noirs Y Magasin à
étage Z Magasin pareil
projetté & Bastion où
l’on propose de faire Caves et
Magasins projettés a Partie proposée
pour un Port Marchand b Bancassal c Islot et Petite Poudriere d Boulangerie de Caudan e moulin à vent Nottes Le Port
marchand est coloré en Rouge Il y a
des magasins sur l’Isle aux Tonneliers
à plus de 1000 toises de distance du Port Louis. Le Roy
a deplus des magasins à loyer chez Mrs
D’ayot, Gerville, Saunois et sur les anciens Etablissements
de Mr Darifat. (1) :
Ici
est dessinée une étoile identique aux deux
étoiles figurées sur le plan en
dessous de la rue Royale - - - - - - - - - - - - - Etat des personnels des deux ports. * Extraits
de correspondances relatifs au Port-Louis.
Un
état général des
bâtiments civils. (Base docu : doc-67-11-30z5) « Monseigneur, J’ai l’honneur
de vous adresser ci-joint un état
général des bâtiments
civils qui appartenaient ci-devant à la Compagnie des Indes
dans cette île, et
dont nous avons pris possession au nom du Roi. Ceux qui sont destinés
à loger le Commandant, les officiers
d’administration, les bureaux et la Caisse, ainsi que le
Palais de la justice,
sont plus que suffisants pour l’objet de leur destination. En
général, ces
logements, tant au Port Louis qu’au Port Bourbon, sont
vastes, commodes, et
assez solidement bâtis. Le Gouvernement seul du Port Louis,
pourrait servir à
loger un grand nombre de personnes, et M. le Commandant pouvait se
dispenser de
prendre d’autorité pour son seul usage, les
écuries de la Compagnie qui sont un
très grand et beau bâtiment en pierre, dont
j’aurais pu faire un magasin bien
utile pour le service du Roi. Vous verrez par cet
état, Monseigneur, que nous n’avons dans ce port
ni
magasins, ni greniers surtout, ni boulangerie, ni prison, ni salle
d’arme, ni
assez de magasins à poudre. Tous les bâtiments que
nous employons aujourd’hui
pour ces différents objets, ou n’y sont pas
propres, ou sont trop petits, ou
tombent en ruine. Depuis M. de La Bourdonnais, la Compagnie
n’avait fait construire
ici, que des augmentations au Gouvernement, des écuries et
l’enceinte des
casernes, avec un commencement de casernes pour loger trois ou quatre
cents
hommes, et un grand bâtiment pour loger les officiers de la
garnison. Je n’ai pas compris dans
l’état des bâtiments pris pour le
service du
Roi, une multitude de petits hangars et de cases de bois en mauvais
état,
tombant en pourriture, et répandus de tous cotés,
soit dans le port, soit dans
l’enceinte de la ville. Ces bâtiments ne sont
d’aucune considération. Il
y avait autrefois dans l’enfoncement de ce port et au pied
des
montagnes, quelques petits bâtiments accompagnés
d’un très grand et vaste
jardin avec une pièce d’eau au milieu, le tout
enfermé de murailles. Ce jardin
avait dès l’origine été
formé pour
fournir des légumes et des herbes
médicinales à l’hôpital.
Depuis M. de La
Bourdonnais, il avait été
négligé, une
partie des murailles était tombée, M. Desforges
les
faisait relever quand nous
sommes arrivés. M. Dumas sans me prévenir de rien
s’est emparé du lieu comme
par droit de conquête, en a fait sortir les gens de la
Compagnie,
y a établi
des soldats des Noirs du Roi, y a seulement fait construire, de concert
avec
l’ingénieur en chef, des poulaillers et
pigeonniers, avec
les bois et les
planches achetées pour la construction des casernes. Je ne
l’ai su que par
hasard, en allant me promener en cet endroit, pour voir si ce lieu que
j’avais
connu autrefois, ne conviendrait pas pour le service du Roi. Il est
certain
qu’il serait très propre à y former un
jardin pour
les besoins de l’hôpital,
lequel dans le temps de l’administration de la Compagnie,
dépensait en légumes
et plantes médicinales du pays, jusqu’à
neuf cents
livres par mois. Quatre
noirs pourraient entretenir ce jardin ». Boulangerie. (Base docu : doc-67-10-15) « J’ai
trouvé ici les choses dans un tel état de
dépérissement et d’abandon
qu’il n’y avait pas même de boulangerie,
le bâtiment
qui y est employé est une case de pieux plantés
en terre, au travers duquel le
vent emporte les farines, où la pluie
pénètre partout, où il n’y a
aucune
espèce de commodité, aucun ustensile qui vaille
cinq sols. Cette case est
située au vent du port qu’elle touche et
qu’elle domine, de manière qu’un
accident de feu consommerait dans une heure tout le port dont les
magasins et
les bâtiments sont en bois. J’ai donné
ordre de construire une nouvelle
boulangerie, dans un lieu convenable, où il se trouve
déjà deux fours de faits,
et un petit magasin propre à renfermer des farines. Ce
bâtiment sera en pierre
plus à portée de tout le monde, et dans un lieu
où le feu ne pourrait nuire
qu’à la boulangerie même.
J’avais envie pour diminuer la dépense de prendre
un
bâtiment de pierre, assez considérable qui servait
autrefois d’écurie pour les
chevaux de la Compagnie ; mais quoique le Roi n’ait
point de chevaux et
qu’il ne lui convienne pas d’y en avoir, M. le
Commandant a prétendu que ces
écuries, qui sont un des plus grands et des plus beaux
bâtiments de ce port,
devaient lui appartenir, et j’ai cru pour le bien de la paix
ne devoir pas le
contredire. Il est certain, néanmoins, que dans la disette
où nous sommes de
bâtiments de toute espèce, ces écuries
nous auraient fourni de très beaux
magasins, pour contenir au moins une partie de nos approvisionnements.
En
attendant les ordres que j’ai l’honneur de vous
demander à ce sujet, je
laisserai M. Dumas jouir de ces bâtiments où il a
logé des gens à lui, où il
tient quelques chevaux, et où il a pratiqué
différents magasins particuliers à
son usage ». Bâtir en pierre et
planter des arbres. (Base docu : doc-67-11-30n) « Comme la ville
du Port Louis qu’on
nomme ici le Camp est presque toute
bâtie en bois et que la construction des maisons
particulières qui se
multiplient tous les jours occasionne une consommation
énorme de bois, je
désirerais avoir une assez grande quantité de
maçons et de tailleurs de pierre,
pour pouvoir défendre de bâtir en bois dans le
Camp. Ce serait certainement un
des meilleurs moyens, tant pour économiser les bois de
l’île, que pour avoir à
un prix raisonnables les bois dont le Roi aurait besoin tant pour la
marine que
pour ses travaux. Il faut remarquer que la pierre est
partout ici sous la main, que l’île n’en
est que trop couverte, que les chemins
et les rues mêmes du Camp en sont très
embarrassées, et qu’elle est d’une
très
bonne qualité. Il faut remarquer encore
qu’il n’est point
de pays au monde où la chaux soit meilleure et puisse
être plus
abondante ; toutes les côtes de cette île
étant bordées de coraux qui sont
la meilleure matière à chaux qu’il y
ait dans le monde. Le petit nombre
d’habitants qui a bâti ici des maisons de pierre, a
l’expérience que les
bâtiments qui sont bien plus solides et d’une toute
autre durée, coûtent moins
que des maisons en bois. [...] En attendant je vais insérer dans l’ordonnance qui réglera la police particulière de ce camp, une défense de faire des entourages en planches et en palissades. Il ne sera permis de se clore qu’en pierre ou en haies vives. Cet article procurera une économie considérable de bois ; il est inconcevable combien de centaines de milliers de jeunes arbres sont employés ici en palissades qui durent à peine quatre ou cinq années et qu’il faut sans cesse remplacer aux dépens des forêts. Il sera également
ordonné de planter des
arbres le long des rues, chacun devant sa maison, tant pour accoutumer
les
habitants à replanter des arbres que pour procurer de
l’ombre et diminuer
l’horreur du coup d’œil que
présente à tout ceux qui abordent ici la vaste
étendue de ce camp, où l’on
n’a pas laissé un seul arbre et dont
l’aspect est
affreux ». Une
église en ruine. (Base docu : doc-67-11-30t) « Cette
île qui est divisée
en huit quartiers principaux n’a encore que trois paroisses
qui sont établies :
une dans chacun des deux ports dont les deux églises tombent
en ruine, la
troisième au quartier des Pamplemousses dont
l’église n’est pas finie. Tout le
reste de l’île est sans paroisse et par
conséquent sans culte public. Beaucoup
d’habitants n’entendent la messe qu’une
fois l’année, quelques-uns passent
plusieurs années sans aucun exercice de la
religion ». La
Terre sainte, un vrai coupe gorge. (Base docu : doc-67-11-30y) « La
liberté générale de la vente des
boissons avait produit une multitude
d’abus très préjudiciables dont la
ville, qu’on nomme ici le Camp,
se ressentait principalement. Elle avait donné
l’être à
plus d’une centaine de marchands de vin dans une peuplade
composée à peine de
mille hommes libres : la plupart étaient
d’anciens soldats du bataillon de
la Compagnie, ou des gens sans aveu, débarqués
des vaisseaux de France. Ils
habitent un quartier du Camp appelé ironiquement la terre sainte, formé de
petites cases entassées sans ordre,
séparées par des ruelles très
étroites et très dangereuses la nuit. Ce quartier
est un vrai coupe gorge et un lieu de toutes sortes
d’infamies. C’est là
qu’habitent en grand nombre les voleurs, les receleurs, les
ivrognes, les
querelleurs et les femmes de mauvaise vie ». Quatorze carcasses de vaisseaux
coulés encombrent le
port. (Base docu : doc-67-11-30y2) « Nous avons
trouvé le port du Nord-Ouest de
cette île, communément appelé le
Port-Louis, dans un état de
dépérissement et
d’abandon difficile à peindre. Non seulement on y
a négligé l’entretien des
quais qui l’environnent en partie, mais on y a
laissé couler quatorze gros
vaisseaux dont quelques-uns étaient remplis de fer et de
canons, et tous de
lest. Ces carcasses forment aujourd’hui autant de hauts-fonds
qui resserrent
extrêmement le port, et y forment des écueils. Les
vases se sont rassemblées autour
de ces carcasses, et en augmentent toutes les années le
volume. Si l’on tarde encore
quelques années à se livrer
sérieusement au curage de ce port, si l’on ne
procède incessamment à relever
ces carcasses de bâtiments coulés qui embarrassent
ses passes intérieures et
les mouillages, le port du Nord-Ouest de cette île deviendra
impraticable, et
les Français auront perdu par leur négligence le
plus beau présent que la
nature leur avait fait dans cette île.
Déjà ce port qui contenait autrefois
aisément soixante et quatre-vingt vaisseaux, ne peut plus en
contenir avec
sûreté que douze à
quinze ». Un
palais pour la justice, et le Conseil. (Base docu : doc-67-11-30z2) « Jusqu’ici
le Conseil n’a eu pour s’assembler qu’un
petit cabinet
dans un coin du Gouvernement, dans lequel cabinet il n’y a ni
porte, ni
fenêtre. Ce lieu sert de buffet quand M. le Commandant donne
des bals, et dans
les autres temps, de cabinet de toilette pour tous les domestiques et
esclaves
du commandant. De sorte que chaque fois que le Conseil
s’assemble, on ne trouve
dans le lieu que de la poudre, des ordures et point de chaises. En vain j’ai
pressé M. le Commandant de céder au Conseil pour
ses
assemblées, toute la partie supérieure
d’une des ailes de son Gouvernement
qu’il n’occupe pas. Il m’a
répondu qu’il n’avait pas assez de
bâtiments pour
lui, et que je pouvais loger le Conseil où je voudrais. Je
lui fis observer, et
cela en présence de tous messieurs les conseillers, que
j’avais vu autrefois M.
de La Bourdonnais avec son épouse et ses enfants,
logés très à l’aise dans ce
même Gouvernement qui n’était pas assez
grand pour lui, qu’alors tous les
bureaux de la Compagnie étaient placés dans le
rez-de-chaussée de ce même
Gouvernement, et que depuis le départ de M. de La
Bourdonnais, les bâtiments
avaient été augmentés de plus
d’un tiers. Ma représentation ayant
été inutile,
je me suis déterminé à demander aux
préposés de la Compagnie, leur bureau des
livres qui est le seul bâtiment en pierre qui leur avait
été laissé, tant pour
la sûreté de leur caisse que pour leurs papiers.
Je ferai de ce bâtiment un
palais pour la justice, et le Conseil y sera beaucoup plus
décemment qu’il
n’eut jamais pu être dans le
Gouvernement ». Hôpital,
magasins, greniers, besoin de construire et de
réaffecter. (Base docu : doc-67-11-30z6) « Les
magasins qui servent
aujourd’hui d’hôpital sont les seuls qui
pourraient convenir au Roi, parce
qu’ils sont solides, et demandent peu de
réparations. Ils sont admirablement
situés sur le bord de la mer, avec un embarcadère
commode, et leur situation ne
convient point du tout à un hôpital. Ainsi pour
avoir des magasins, il faudrait
bâtir ailleurs un hôpital capable de contenir 500
malades. Quant aux greniers qui
appartenaient ci-devant à la Compagnie et dont
j’ai pris possession au nom du Roi, vous verrez, Monseigneur,
par l’état
ci-joint qu’ils peuvent contenir à la rigueur,
environ 2 millions de grains,
mais je dois vous informer que ces prétendus greniers
n’ont jamais été faits
pour conserver des grains, que l’air n’y circule
pas, que la plupart ne sont
que des bâtiments en bois qui tombent en ruine, que ceux en
pierre ont besoin
d’être étayés pour que leurs
planchers puissent supporter le poids des grains,
que les murailles en sont trop faibles et se couleuvrent en beaucoup
d’endroits,[...] Nous avons ici, auprès
de l’hôpital, les plus beaux emplacements pour la
construction de ces greniers. Je crois, Monseigneur, que deux corps de
bâtiment
de deux cent quarante pieds de longueur sur quarante de largeur qui
auraient
chacun un étage au-dessus du rez-de-chaussée,
pourraient contenir cinq millions
de grains, à raison de 12 pieds carrés environ
pour contenir deux mille quatre
cent livres pesant de blé à la hauteur de
vingt-deux pouces. Les pierres d’une
excellente espèce se trouvent en abondance sur les lieux, la
chaux et le sable
qui se transportent ici par bateaux, aborderont au pied de
l’ouvrage, et ces
facilités diminueront considérablement la
dépense. » L’hôpital
un
repaire de fripons. (Base docu :
doc-67-11-30z9) « J’ai
trouvé dans cette île trois hôpitaux
établis par la Compagnie des Indes. Le premier et le plus
considérable est
celui du port du Nord-ouest, où depuis mon
arrivée je n’ai guère vu moins de
250 malades, tant matelots que soldats. Le second est celui de la
grande
rivière de ce port, beaucoup mieux situé que
l’autre, et dans lequel passent
les convalescents renvoyés du grand hôpital.
J’y ai toujours vu de 20 à 25
malades.... En examinant de près
l’hôpital, j’ai reconnu que
malgré les réformes considérables,
c’était encore un repaire de fripons,
où
chacun ne pensait qu’à son profit, que ce lieu
établi pour être l’asile des
misères humaines, était un lieu
d’infamie où une foule de négresses
entassées
sans raison, servaient à tout autre chose qu’au
soulagement des malades. [...] j’ai
proposé à Messieurs les agents de la
Compagnie de diminuer mon fardeau en établissant de leur
coté un hôpital
particulier pour les matelots de leurs vaisseaux, ainsi que tous les
colons de
cette île en ont pour leurs noirs. ... J’ai d’abord
cherché à reconnaître le
bâtiment qui
servait autrefois de laboratoire à la pharmacie de
l’hôpital, bâtiment que la
Compagnie avait vendu depuis 1764, et qui avait
été revendu. Si ce bâtiment eut
été convenable pour un laboratoire,
j’étais fortement déterminé
à le prendre au
nom du Roi, malgré toutes les ventes faites ; mais
à l’examen, j’ai
reconnu que ce bâtiment trop petit pour un laboratoire,
très mal situé dans un
lieu qu’on ne peut aborder dans le temps des pluies, tombait
en ruine, les
murailles n’étant construites qu’avec de
la terre. Il eut fallu abattre ce
bâtiment, et en construire un autre qui eut
coûté 25 à 30 mille livres.
J’ai
trouvé un autre corps de bâtiment dont la
Compagnie n’avait jamais fait aucun
usage : il avait été construit en bonne
maçonnerie dans la vue d’en faire
un moulin à eau. Il est de la grandeur convenable, et bien
situé. J’y ai établi
le laboratoire tel qu’il n’y en avait point encore
eu dans l’île ». Magasins,
église, hôpital, boulangerie : du pain
sur la planche. (Base docu : doc-67-12-31) « En attendant
que vos ordres nous autorisent à faire mieux, je me
suis déterminé à prendre la nouvelle
église qui tombe en ruine avant d’avoir
jamais servi, et je vais en faire faire un grenier provisoire en y
faisant les
réparations les plus indispensables, soit pour
étayer les murailles, soit pour
y élever un plancher propre à y recevoir les
grains, soit pour faire
raccommoder les toits. Ces réparations une fois
finies, nous pourrons recevoir tous les grains
des habitants, mais malheureusement les moyens nous manquent pour
accélérer
l’ouvrage, et je suis persuadé par le peu de
diligence que je vois mettre dans
les travaux du Roi, que les réparations à faire
à l’église, ne seront pas
finies, même avant la fin de la saison des pluies. [...] Après la construction
des greniers, celle d’un hôpital capable de
contenir 600 malades paraît l’ouvrage le plus
pressant, parce qu’alors nous
aurons pour magasins les bâtiments qui servent actuellement
d’hôpital. Ces
bâtiments placés au bord de la mer, conviennent
parfaitement pour des magasins,
suivant leur première destination, et sont
d’autant moins propres à servir
d’hôpital que les malades y gagnent le scorbut.
[...] J’avais fait commencer
une boulangerie qui nous est absolument nécessaire
si nous voulons avoir du pain et du biscuit. MM. les
ingénieurs m’avaient promis
que ce bâtiment serait achevé avant la saison des
pluies, nous y sommes
arrivés, et il n’y a encore rien de fait. Je ne
sais comment nous pourrons
avoir du pain pendant cette mauvaise saison. Depuis plusieurs jours le
travail
de cette boulangerie est entièrement abandonné
par les ordres de M. Dumas. » L’hôtel du
Gouvernement n’est pas au goût du
gouverneur. (Base docu : doc-69-12-31b) « Le
Gouvernement, Monseigneur, est un
très grand bâtiment, mais si ridiculement
bâti et distribué qu’il n’est
point
habitable pour le Gouverneur. Il n’y a pas une seule
pièce qui puisse contenir
la dixième partie des officiers de la garnison, et des
personnes de
considération, homme ou femme, que la bienséance
ou la curiosité y attire à
chaque événement ; il n’y a
pas une seule pièce où l’on puisse
travailler
sans être commandé par toutes les autres. L’air y est si mauvais
que M. Desforges me
mande de Bourbon que c’est là que lui et Madame sa
sœur ont gagné le scorbut
dont Mme de Brin est à peine guérie en Europe, et
qui le met aujourd’hui dans
un danger si grand qu’il est obligé de quitter
cette colonie contre tous ses
intérêts pour aller se faire traiter en France. Pour moi, Monseigneur, je vous
avoue que je
ne crains guère le scorbut, après m’en
être préservé dans trente-cinq
campagnes
faites dans tous les climats du monde ; mais je vous avoue
aussi qu’il
m’est impossible de vaquer à trente objets
différents, et de travailler dix
heures par jour dans un lieu où tout contrarie
l’application que je suis obligé
de donner aux affaires. La maison du Gouverneur au Port est
très bonne pour
s’amuser, mais je n’en ai pas encore eu le
loisir ». Les ruelles du port, lieu de tous
les complots. (Base docu : doc-70-8-16) « Adjudication
d’une cantine ayant monopole sur les boissons : Il était
temps : car non seulement chez tous les
petits habitants de la ville du Port Louis on vendait de vin et de la
Rack à
toute sorte de gens blancs et noirs qui étaient
assurés de trouver à chaque
porte un lieu d’assemblée pour former des complots
de marronnage, ou autres
aussi criminels. » Poivre est satisfait
de son bilan. (Base docu : doc-72-8-23) « Bâtiments
civils et militaires :
J’avais reçu de la Compagnie
des Indes, les
bâtiments nécessaires à
l’administration de l’île, dans le plus
mauvais état.
Je les ai remis à mon successeur, tout
réparés ou augmentés
considérablement.
Je lui ai remis plusieurs autres bâtiments civils
achetés pour les divers
besoins du service. Parmi
les édifices élevés
sous mon administration, j’ai remis : -
1°. Trois
grands corps de casernes solidement bâtis en pierre dans la
ville du
Port-Louis, capables de loger environ deux mille et quelques cents
hommes. -
2°. Deux autres corps de casernes au
quartier
de Flacq, également bâtis en pierre, capables de
contenir cinq à six cents
hommes. -
3°. Trois vastes magasins dont un en pierre
et les autres en bois, mais solidement construits, propres à
contenir chacun
quinze cents milliers de grains. -
4°. Trois moulins à eau,
réparés ou bâtis à
neuf, très solidement construits, en état de
fournir chacun six milliers de
farine par vingt quatre heures. -
5°. Une boulangerie, vaste et commode,
très
solidement bâtie en pierre, avec six fours en état
de fournir le pain et le
biscuit à la garnison la plus nombreuse et aux escadres les
plus fortes, avec
des soutes immenses pour le biscuit, et un magasin pour contenir en
tout temps
deux cents milliers de farine de blé du pays. Ladite
boulangerie avec toutes
les commodités et les dépendances
nécessaires pour la facilité du service. Tous ces bâtiments
essentiels manquaient
dans l’île, ils ont été
construits sous mon administration. De tous ces
ouvrages, il n’y avait à mon arrivée
qu’un seul moulin qui fournissait quinze
cents livres de farines par jour, et qui tombait en ruine. Ports, Marine :
J’avais reçu le port des mains de la Compagnie
dans le plus triste état, démuni
de tout, sans chaloupes, sans les embarcations nécessaires
au service, les
ateliers mal montés et tout au plus six cents
esclaves, tant pour les
services de la Marine que pour celui des ateliers attachés
au port, lesdits
esclaves reçus en différents temps. Malgré les pertes
énormes causées par un service forcé
par deux ouragans et par une épidémie,
j’ai remis ce même port à mon successeur
avec seize cent quarante esclaves répartis sur
différents travaux. J’ai laissé
l’opération du curement de ce même port
dans le meilleur train par les soins et l’activité
de M. le Ch. de Tromelin
chargé de cette partie. Il y a deux cure-môles
lancés à l’eau et achevés,
ainsi
que quatre gabarres à clapet, il y a
déjà une digue faite pour empêcher les
terres entraînées par les torrents de combler le
port. On a creusé un canal
pour recevoir le plus dangereux de ces torrents et détourner
ses eaux, et une
autre jetée principale, qui a la même destination
d’arrêter les terres
entraînées par les torrents, est
commencée. La partie du Génie : La partie du
Génie était nulle et par conséquent
sans moyen à
mon arrivée dans la colonie. Je l’ai remise
à mon successeur avec les ateliers
de menuisier, de charpentier, de forgerons, de chaufourniers, de
maçons, de
tailleurs de pierre, de charrois, et autres qu’elle exige
avec les bâtiments
nécessaires à ces ateliers tous construits
à neuf. Augmentation de la ville du Port-Louis : J'ai remis
à mon successeur, le chef-lieu
de la colonie, la ville du Port-Louis, augmentée en
population, et en nombre de
maisons de plus d'un tiers pendant mon administration, avec toutes les
rues
alignées. J'ai laissé celle ville avec une
église réparée solidement, et
décente pour le culte public. J'ai laissé une
imprimerie bien montée et très utile,
tant pour, la facilité du service que pour l'avantage de la
colonie entière ». Jour de
fête au Camp. (Céré
à M. de Cossigny, 1er
septembre 1778) (Base docu :
doc-78-an-a) « Vendredi
matin après ma tournée au Jardin du Roi,
j'ai été au Camp, et je l'ai revu le samedi au
soir. La petite guerre de nos
militaires m'a étonné et fait le plus grand
plaisir. Jamais troupe n'a mieux
manœuvré que celle-là ici. Le samedi on
bénit les drapeaux. Le vendredi il y
vint plus de 40 dames et plus de 60 le samedi où on a
dansé jusqu'au dimanche 8
heures du matin. Il y avait plus de 250 personnes et une table de 160
couverts.
J'y ai vu presque tout le port et le Général que
je ne quittais pas d'un pas.
Jamais je n'ai vu de chef plus satisfait, plus content que lui de tout
ce qu'on
y a fait. M. de Saint Maurice est très foncé dans
son métier et il est bien
secondé par ses officiers. J'y ai vu le Lieutenant Colonel
en bonne santé.
Demain je ferai encore le libertin et j'irai dîner chez M. de
Rune, proche le
Pont du Tombeau, avec MM. de la Brillanne, Saint Maurice
&c. » *
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