Les
discours de Pierre Poivre Les
discours occupent une place importante dans
l’œuvre de Pierre Poivre. C’est par ses
discours que
Poivre s’est fait connaître
de ses contemporains, c’est par les idées
qu’il y
exprime qu’il s’est imposé
parmi les penseurs de son époque. Présenter ses
discours
ne sera pas une longue
affaire puisque pour l’essentiel, on recense cinq discours,
les
trois premiers
ont été prononcés dans
l’enceinte de
l’Académie de Lyon, les deux autres
profitèrent
aux habitants de l’Isle de France auxquels
l’intendant Poivre
venait présenter
son programme d’administration. Parmi les autres
interventions de
Poivre à l’Académie
de Lyon, deux d’entre elles ont été
conservées. Elles traitent de sujets très
techniques, elles sont cependant l’occasion pour Poivre
d’exprimer quelques
idées d’une portée plus
générale. Étudier la place des
idées de Poivre dans le courant
de pensée de son époque est affaire de
spécialistes (*), aussi, nous nous
permettrons simplement de reproduire quelques notes de lecture,
essentiellement
des citations extraites des discours ; elles offriront aux
plus pressés un
aperçu des idées de Poivre. On
n’oubliera pas que Poivre s’est
également
exprimé dans d’autres écrits, en
particulier dans Mémoires
d’un voyageur ... (*) : On recommande
particulièrement l’ouvrage de Michèle
Duchet : Anthropologie
et histoire au siècle des lumières Discours de Poivre à
l’Académie de Lyon. Le
1 mai 1759 -
Discours de réception à
l’Académie de Lyon. M. Poivre traite du
commerce entre les nations, et en particulier le commerce avec
l’Extrême-Orient. Ce
discours n’avait
pas été édité avant sa
transcription dans les Mémoires de
l’Académie de Lyon en
2007, même si de larges extraits étaient parus
dans la presse l’année même
où
les académiciens lyonnais l’avaient entendu. Accès au
document : Discours sur le commerce. Le 30 août 1763 – Discours de Poivre :
Observations sur l’état de
l’agriculture chez différents peuples de
l’Afrique et de l’Asie.
Édité en
1768, première moitié de « Voyages
d’un philosophe ou ... ». Le 4 décembre 1764 – Discours de Poivre : Suite
des recherches sur le
même état. Edité en 1768,
deuxième moitié des « Voyages
d’un
philosophe ou ... ». Les deux discours réunis
sont édités et
réédités
maintes fois, d’abord sous le titre Voyages
d’un philosophe, puis Œuvres
complettes. Au fur et à mesure des
éditions, d’autres textes sont adjoints
à l’ouvrage. Accès au
document : Voyages d’un philosophe
ou ... Discours de Poivre à
l’Isle de
France. Le 26 juillet 1767 - Discours de Poivre aux habitants
de l’Isle de France. Accès au document : Discours aux habitants de l’Isle de France.
Accès au
document : Discours
aux conseillers
de l’Isle de France. Les deux discours sont
imprimés en 1768 sur l’imprimerie que Poivre avait
tenu à installer à L’Isle de
France. On les retrouve à partir de 1769, adjoints
à l’édition
de Voyages d’un philosophe.
Poivre en avait envoyé copie à ses amis
physiocrates
dès le premier bateau à l’automne 1767,
avant
même leur impression, comme nous l’apprend Turgot
dans une
lettre à la duchesse d’Enville du 26 mai 1768 :
« J’ay
remis, Madame, à monsieur de Montigni le discours de Mr
Poivre.
Il s’est chargé de vous le faire parvenir
à
Liancourt. Je suis bien fâché de n’avoir
pu vous
l’envoyer plus tôt. Lorsqu’il sera
copié, je
vous seray obligé de vouloir bien me le renvoyer
». Puis une lettre de Turgot à Du Pont du 20 août 1768 :
« Puisque vous avez perdu
ma copie du Discours de M. Poivre,
je compte bien que vous m’en rendrez une autre. A
l’égard de celui qu’il a
prononcé au Conseil supérieur, il n’est
pas bon et
c’est pour cela que je ne l’ai point
montré. ». Turgot,
nous semble-t-il, n’a pas apprécié la mise en cause
de la Compagnie des Indes, ne fusse que pour ses agissements
passés . Autres
interventions de Poivre à l’Académie de
Lyon Le 4 décembre 1760 et 7 avril 1761 - Recherches
sur la méthode en usage de la
côte de Coromandel dans la peinture des toiles de coton. Lors de son séjour à
Pondichéry en 1746, Poivre
s’était intéressé
à la façon dont les Indiens teignent les toiles
de coton
connues sous le nom de chittes.
Il estimait qu’il était possible que
l’industrie lyonnaise puisse profiter de
ce savoir-faire. Aussi Poivre
décrit-il
très précisément toutes les
étapes
nécessaires à l’application des
différentes
couleurs. Il pense avoir percé le secret de la
qualité
des teintures indiennes :
l’utilisation d’une plante, le Chaia,
dont il invite à faire des essais de culture en France. Accès
au document : Peinture
des toiles de coton en Inde. Le 31 août 1762. Observations sur le
décreusement de la soie sans savon. Ayant constaté lors de son
séjour en Chine l’éclat
incomparable des tissus de soie, Poivre pense avoir établi
que cette supériorité
des soies chinoises provient de leur technique du
décreusement, et il invite
ses compatriotes à se pencher sur cette question qui
intéressait tout particulièrement
les manufactures lyonnaises. Accès au
document : Observations
sur le décreusement de la soie. Et puis encore. Poivre, membre de
l’Académie de Lyon et de la
Société
d’Agriculture, eut l’occasion de
s’exprimer sur bien d’autres sujets dont
malheureusement nous n’avons pas le texte. Honoré
Torombert cite dans son éloge
à Poivre la liste des sujets dont il a trouvé
trace (peut-être même le texte
pour certains) dans les papiers de Mme Poivre, sa tante par
alliance :
* Notes
de lectures. La
pensée de Poivre dans ses discours.
Voyages d’un philosophe, édition Yverdon 1768.
-
Les deux
premières pages résument tout le
discours : « l’agriculture
est l’art de tous les peuples ... un pays mal cultivé, est à
coup sûr habité
par des hommes barbares ou opprimés ».
termes : « nations
sages, demi policés, arts frivoles,
barbarie ». (p.5) - Cap de Bonne-Esperance : « L’abondance dont jouit cette colonie prouve … que la terre n’est avare que pour les tyrans et les esclaves ; qu’elle prodigue des trésors au-delà de toute espérance dès qu’elle est libre, remuée par des mains libres, et cultivée par des hommes intelligents, que des lois sages et invariables protègent. ». (p.12)
-
« la
sûreté, la propriété, la
liberté, seuls
vrais fondements de l’agriculture, seuls principes de
l'abondance. » (p.12).
Les trois principes, devise
des
physiocrates. -
Admiration au Cap
pour les jardins du gouvernement, inspiration pour plus tard
à Monplaisir.
(p.18) -
Madagascar :
« ils ont les simples lois
de la
nature & les mœurs des premiers hommes. Ces lois
& ces mœurs sont plus
favorables à l'agriculture que toutes nos sublimes
spéculations, ... un art que
nos mœurs nous font regarder avec mépris, ... sans
cesse opprimé par une foule
d'abus sortis de nos lois mêmes »
(p.24) -
« Les habitants y ont conservé des
mœurs
simples ; l’agriculture y est florissante. ».
(p.25) -
A la côte de
Coromandel : contradiction des faits avec la pensée
de Poivre qu’on peut
résumer : Propriété => responsabilité =>
efficacité. L’agriculture
y est florissante quoique réalisée
« par
des journaliers et des valets de sous fermiers ».
(p.32) -
Au Siam,
gouvernement despotique, pas de propriété donc
agriculture presque nulle.
(p.44) -
Malais « Je vais donner une idée de ses lois et
de
ses mœurs et l’on jugera facilement de son
agriculture ». Lois
féodales, peuple dans l’esclavage :
terres en friches, misère. (p.52-53) -
« dans
les climats les plus différents, les
mêmes lois donnent des mœurs, des usages et des
préjugés semblables. Leur effet
est le même relativement à
l’agriculture ». (p.56) -
A la Chine :
« l’agriculture
... cet art divin …
soutenu, protégé par des
lois simples qui sont celles de la nature …
conservées de génération en
génération … par un peuple sage, par
la plus grande nation agricole qu’il y ait
sur terre ». (p.63) -
Pontiamas :
lois naturelles, « simplicité,
travail, frugalité, bonne foi, humanité ... il n’établit aucunes lois, il
fit plus, il établit des mœurs ».
(p.73) -
Pontiamas :
pas d’impôts qui tuent le
propriétaire. Il n’y trouve pas :
« impôts
arbitraires, propriété des terres
confisquée, palais luxueux,
cour brillante, foule de serviteurs inutiles, mépris des
travailleurs
… ». (p.75) -
En Cochinchine,
progrès remarquables dus : « aux
mœurs
simples de la nation, à la vie sage et laborieuse des
femmes ». (p.80) -
Esclavage :
« remarquons aussi que la
canne à sucre y est
cultivée par des hommes libres, que tous les travaux de la
cuite & de la
raffinerie sont exécutés par des mains libres.
Comparons ensuite le prix de la
denrée Cochinchinoise, avec celui de la même
denrée cultivée &
préparée par
de malheureux esclaves dans les colonies Européennes,
& jugeons fi pour
tirer du sucre de nos possessions, il étoit
nécessaire d'autoriser par une loi
l’esclavage des Africains transportés en
Amérique ». (p.93-94) -
« La
liberté et la propriété sont les
fondements de l’abondance et de la bonne
agriculture ». (p.94) -
« la
corruption & du luxe qui en est la
preuve. ». (p.101) -
« c’est
toujours par les chefs que commence la corruption d’un peuple ».
(p.104) -
En Chine (p.107-140) :
liberté, propriété : peuple
heureux «
La
nation Chinoise donne une idée ravissante de ce que serait toute
la terre, si les lois de cet Empire étaient également
celles de tous les peuples [...] Voyez cette multitude
innombrable qui couvre les terres de la Chine ... c'est la
liberté et son droit de propriété qui
ont fondé une agriculture si florissante ». Final sur
l’empereur :
« Son peuple reconnaissant
l’adore
comme un dieu, parce qu’il se conduit comme un homme. » -
Le
recyclage : « Les
Chinois
emploient les mêmes engrais que nous, pour rendre
à leurs terres les sels et
les sucs qu’une production continuelle leur enlève
sans cesse. Ils connaissent
les marnes ; ils se servent du sel commun, de la chaux, des
cendres, du
fumier de tous les animaux quelconques, et
préférablement à tout autre, de
celui que nous jetons dans nos rivières ; ils se
servent des urines qui
sont ménagées avec soin dans toutes les maisons,
dont elles font un
revenu ; en un mot, tout ce qui est sorti de terre y est
rapporté avec la
plus grande exactitude, sous quelque forme que la nature ou
l’art l’ait converti. ».
(p.112-113) -
Egalité :
« Ces distinctions
puériles de noblesse et de
roture, d’homme de naissance, et d’homme de rien,
ne se trouvent que dans le
jargon des peuples nouveaux et encore barbares, qui, ayant
oublié l’origine
commune, insultent sans y penser, et avilissent toute
l’espèce humaine. Ceux
dont le gouvernement est ancien, et remonte jusqu’au premier
âge du monde,
savent que les hommes naissent tous égaux, tous
frères, tous nobles ».
(p.122-123) Discours sur le
commerce. Réception à
l’Académie lyonnaise, 1
mai 1759. -
Entraves :
tout ce qui gène la libre entreprise. « Puisse l’industrie de nos citoyens,
débarrassée des entraves qui la
tiennent captive, reprendre son ancien cours... »
-
« le
commerce des côtes de l’Afrique a
été
nécessaire pour fournir des bras à la culture des
terres et au travail des
mines que l’Europe possède en Amérique ».
Repris quasiment mot à mot
de Montesquieu. Donc comme celui-ci, Poivre s’insurge contre
l’inhumanité de
l’esclavage mais le tolère comme une
nécessité à la bonne marche des
colonies.
Il s’agit donc d’humaniser l’esclavage
mais non de l’abolir. -
« De
nouvelles marchandises apportées de tous
les climats augmentent sans cesse notre commerce intérieur,
fournissant chaque
jour la matière d’une nouvelle industrie,
entretiennent parmi nous un luxe
utile qui favorise nos arts. » Le luxe
sujet de bien des discours à
cette époque. Poivre le juge parfois utile, mais souvent
insupportable, fruit
inutile de l’exploitation des plus pauvres nations. -
« C’est
à ces voyageurs négociants qui ont
couru et qui courent encore tous les jours les hasards de la mer, qui
supportent avec constance les travaux de la navigation, c’est
à eux que notre
Europe doit ce haut degré de richesses et de puissance
où elle est
parvenue ; ... Elle est redevable de sa
prospérité présente à ses
généreux
négociants, qui par principe et par état sont les
amis de tous les hommes. » -
Utilité des
colonies : « Je
voudrais vous
parler de ces colonies utiles que nous avons établies par
des vues de commerces
sur le continent et dans les îles de
l’Amérique. Vous verriez qu’elles sont
très avantageuses en ce que le produit de leur terre
n’est point et ne
saurait être le produit des nôtres, en ce
qu’elles ont besoin de notre superflu
comme nous avons besoin du leur. » -
En Chine, absence
de privilèges de la naissance :
« Ce
gouvernement soumis à des lois immuables ne confie jamais
l’autorité publique
qu’aux sages de la nation, sans égards pour la
naissance qu’il pense être la
même chez tous les hommes. » -
Liberté
d’entreprendre : « je
l’ai vu
avec admiration, ce peuple heureux qui n’obéit
qu’aux lois de la raison, qui
jouit librement de ses terres, de ses ports, de ses rivières
et de son
industrie. » -
Agriculture :
« le labourage
étant à la Chine
comme ailleurs la profession la plus utile. » -
Liberté :
« Partout on y voit
l’industrie libre et le
commerce protégé faire circuler
l’abondance. » -
Que
ce soit le maître
envers ses employés ou ses esclaves, que ce soit le
souverain
envers ses sujets,
Poivre rêve d’une société
établie sur
des rapports filiaux : l’un
dévoué
comme un père, l’autre reconnaissant comme un
fils.
« La Chine doit ce bonheur
à la sagesse de ses lois, à
l’humanité de ses
souverains qui dans tous les temps ont déposé la
qualité de maître pour ne
prendre que celle de père, et qui se conduisant comme tels,
sont adorés comme
les fils du Tien, c'est-à-dire du ciel, dont ils sont
l’image. » Discours prononcé à son arrivée à l’Isle de France aux habitants de la colonie. -
Poivre, en bon
physiocrate, plaint le propriétaire cultivateur de
métropole. « lorsqu'on
pense être propriétaire, et jouir
tranquillement de son revenu, on reçoit assignation sur
assignation pour payer
des droits inconnus dans cette île. La dîme
ecclésiastique, les servitudes, les
droits de lods et ventes, et plusieurs autres redevances seigneuriales
; enfin,
dans les années malheureuses, les Impositions Royales ne
laissent presqu'aucun
revenu. On est sans cesse harcelé par les Fermiers des
droits, par des
Collecteurs, par des Commissaires à terriers, par des
Inspecteurs de grands
chemins, par des préposés aux corvées,
par des gardes-chasse et par une foule
d'hommes ». -
Dans cette
colonie : « le climat, la
situation,
le sol, l’aisance, la liberté, tout concourt
à votre bonheur » -
Saccage de
l’île : « Des
hommes avides et ignorants, ne
pensant que pour eux-mêmes, ont ravagé
l’île, en détruisant les bois par le
feu ; empressés de faire, aux dépens de
la colonie, une fortune rapide,
ils n’ont laissé à leurs successeurs
que des terres arides abandonnées par les
pluies et exposées sans abri aux orages et à un
soleil brûlant. La nature
a tout fait pour l’Isle de
France : les hommes y ont tout détruit. Les
forêts magnifiques qui
couvraient le sol, ébranlaient autrefois, par leurs
mouvements, les nuages
passagers, et les déterminaient à se
résoudre en une pluie féconde. Les terres
qui sont encore en friche, n’ont pas cessé
d’éprouver les mêmes faveurs de la
nature ; mais les plaines qui furent les premières
défrichées, et qui le
furent par le feu, sans aucune réserve de bois pour
conserver au moins de
l’abri aux récoltes et une communication avec les
forêts, sont aujourd’hui
d’une aridité surprenante, et par
conséquent beaucoup moins fertiles ; les
rivières mêmes, considérablement
diminuées, ne suffisent pas toute
l’année à
abreuver leurs rives altérées ; le ciel,
en leur refusant les pluies
abondantes ailleurs, semble y venger les outrages faits à la
nature. » -
Protection de la
nature pour une meilleure agriculture : « Que les terres en friches soient mises de toutes
parts en valeur, mais
qu’elles soient défrichées avec la plus
grande économie de bois ; que ces
terres, nouvellement défrichées par petites
portions, restent séparées et
bordées par quelques toises d’arbres de haute
futaie, qui, en garantissant vos
moissons de la fureur des vents, conserveront à tout votre
sol une fraîcheur et
une communication salutaire avec les forets ».
Suivrons, règlement sur
le défrichement et sur les moyens de replanter des
bois ; abandonner café
et coton pour les grains nourriciers. -
Réquisitoire
contre l’esclavage : « elle
dégrade l’homme, et après avoir avili
l’esclave, elle tend à énerver le
maître,
à le corrompre … » « nous
ignorons sur quels principes l’ancienne direction de la
compagnie a pu se
déterminer, contre la nature des choses, à
recourir aux bras des esclaves pour
mette cette île en valeur. »
« Cette loi qui, depuis le
dernier siècle seulement, tolère parmi nous un
usage inhumain, anciennement établi chez des peuples
barbares, contre le droit
naturel, ne le tolère qu’à condition
que ces malheureux esclaves … seront
instruits… des lumières de la foi. La
même loi exige encore que le maître
favorise le mariage parmi les esclaves, qu’il les nourrisse,
les habille et les
traite avec humanité. » -
L’esclavage sera
acceptable s’il se crée des rapports
père, enfants : « Quelle
situation plus délicieuse que celle
d'un Maître bienfaisant, qui vit sur sa terre au milieu de
ses esclaves, comme
au milieu de ses enfants ; .... la nature, la raison, la
Religion, votre
intérêt et celui de la Colonie, votre propre
bonheur, tout vous parle plus
fortement que la Loi elle-même, en faveur de ces
infortunés. » Donc
intérêt du maître à traiter
humainement ses esclaves. (Poivre allait plus loin
dans les Voyages d’un philosophe
puisqu’il argumentait à propos du sucre de
Cochinchine sur l’intérêt du colon
à
utiliser une main-d’œuvre libre.). -
Corruption des
mœurs et vices responsables du déclin de
l’île : « Les
mœurs sont l'accomplissement de tous les
devoirs naturels, religieux et civils. Cet accomplissement est l'ordre
moral,
sans lequel aucune société ne saurait
être heureuse, ni même subsister un
certain temps. ». -
Ordre moral,
vertu, luxe extravagant : « Quoi,
le luxe ! le luxe le plus scandaleux dans une île qui manque
de pain, et qui
n'a aucun objet de commerce... Par toute la terre, le premier
âge d'un peuple
est l'âge des mœurs et de la vertu. Les
mœurs amènent la force et la puissance,
la puissance produit les richesses. De celles-ci naît le luxe
qui perd les
mœurs et la nation. ... -
Simplicité,
frugalité, propriété :
« votre
état de cultivateurs vous attache à des
occupations qui donnent naturellement
des mœurs simples, frugales et innocentes. C'est au milieu
des travaux
champêtres que la vertu se plaît à
exercer son empire. Plus vous tenez à la
Colonie par vos propriétés, plus vous
êtes intéressés à
défendre les droits de
la vertu qui seule peut la rendre heureuse, puissante, invincible » Discours prononcé à la première assemblée publique du nouveau Conseil supérieur de l’Isle de France, le 3 août 1767.
-
Poivre regrette
l’introduction d’esclaves dans la colonie, mais il
s’en accommodera :
« Une île aussi
éloignée ..., devait
n’être cultivée que par des mains libres. »
-
Propos physiocratiques :
« Les terres de ces
îles étaient
ci-devant dans la servitude, sous le joug de la Compagnie. Les
redevances et
les droits de lods et ventes auxquelles elles étaient
sujettes par le titre
même des concessions, en
rendaient la propriété incertaine et
précaire » -
Physiocratie
encore : « hommage
à la
simplicité du droit naturel, en affranchissant de toute
espèce de servitude les
terres de ces Colonies, qui désormais seront libres comme
les braves Colons qui
les possèdent. Loin de nos heureux climats cet axiome
moderne : point de terre sans
Seigneur ; axiome
destructeur, ruineux pour l'agriculture, source inépuisable
de trouble et de
procès. Grâces à
l'équité du Roi et du Ministre bienfaisant qui
gouverne et
protège ces îles, celui-là y sera vrai
propriétaire, dans toute la force du
terme, et seul maître de sa terre, qui l'aura
héritée de ses pères, ou qui
l'aura légitimement acquise. » -
L’esclave
dédommagé de sa servitude : « les
maîtres, sensibles au cri tendre et puissant de
l’humanité outragée,
goûteront
le plaisir délicieux d’adoucir le sort de leurs
malheureux esclaves,
n’oublieront jamais qu’ils sont des hommes
semblables à eux. L’esclave
dédommagé … de la perte de sa
liberté, par la connaissance de la religion …
servira son maître avec joie et
fidélité. Il se croira libre et heureux,
même
dans l’esclavage. » -
La moitié du
discours traite de l’ordre moral, le mot Vertu
est employé 24 fois, et Vice
8 fois. Observations
sur le décreusement de la soie sans savon. Même sur un sujet aussi
technique, Poivre
parvient à faire la promotion d’une de ses
idées maîtresses, la libre entreprise
: « Le
gouvernement chinois qui a
pour système de laisser libre l’industrie du
peuple,
n’a pas plus statué sur la
nécessité du décreusement pour la
teinture, que
sur tout autre point relatif
aux fabriques. Il s’en est rapporté à
cet
égard au bon sens des fabricants, à
la nécessité de la chose et à
l’intérêt qu’il y a pour
chaque individu
à bien
faire, dans un pays où la liberté
générale
établit une grande concurrence et
par conséquent une très grande
émulation. Recherches
sur la méthode en usage de la côte de
Coromandel dans la peinture des toiles de coton « Il est vrai que l’agriculture qui est
l’art
des arts, n’est pas aussi florissante qu’elle
devrait l’être chez cette nation
ancienne. Quelques voyageurs ont cru en trouver la cause dans la
paresse
qu’inspire le climat brûlant de l’Inde et
dans le défaut de génie de ses
habitants. Ils n’ont pas fait attention qu’un pays
sujet à des révolutions
continuelles, soumis à un gouvernement militaire et barbare
qui ne laisse au
malheureux colon aucune propriété de terre, ne
saurait être bien cultivé. » * * *
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